L’étude française publiée dans le JAMA est intéressante parce qu’elle a suivi un grand nombre de personnes (presque 69 000) pendant une relativement longue durée (7 ans), et qu’elle a enregistré de manière précise leurs habitudes alimentaires. Le nombre de cancers observés pendant cette période (1340) est suffisamment élevé pour qu’on puisse les prendre comme point de comparaison entre différents types d’habitudes alimentaires.
Les chercheurs ont observé que les femmes ménopausées qui déclaraient consommer le plus d’aliments bio avaient présenté significativement moins de cas de deux types de cancers : lymphomes non hodgkiniens (LNH, des cancers de certains globules blancs) et cancer du sein. Aucune différence n’a été observée pour les autres types de cancer, ni chez les hommes, ni chez les participants âgés de moins de 50 ans. L’association entre aliments bio et risque réduit de cancer était particulièrement forte chez les personnes obèses.
Ce que montre l’étude de manière significative, c’est qu’au plus une femme ménopausée consomme une forte proportion d’aliments bio, au moins elle déclare de LNH et de cancer du sein (sur une période de 7 ans, après on ne sait pas).
Cette corrélation peut avoir de nombreuses causes (et plusieurs de ces causes peuvent être associées dans le résultat observé) :
- l’alimentation bio contient moins de substances cancérigènes ;
- les personnes qui mangent bio ont une alimentation plus équilibrée, moins riche en aliments gras (le surpoids est un facteur de risque du cancer) ou riches en substances cancérigènes comme les charcuteries ;
- les personnes qui font attention à leur santé en général (par exemple qui ont une activité physique régulière) mangent davantage de produits bio ;
- les personnes qui mangent bio consomment moins de boissons alcoolisées (facteur de risque de cancer reconnu dès le premier verre).
De fait, l’étude du JAMA précise que les personnes qui déclaraient manger le plus d’aliments bio étaient également celles qui mangeaient le plus de fibres, de protéines végétales, de fruits et de légumes secs, et qui consommaient le moins de viandes, de charcuteries et de lait. Certaines de ces caractéristiques ont été « ajustées » (c’est-à-dire que les auteurs ont cherché à annuler leur contribution à l’effet global), mais pas toutes.
Il serait facile de jeter l’opprobre sur les médias et leur peu de jugeote sur la chose scientifique. Mais ce serait oublier que les auteurs de l’étude ont :
- choisi de braquer le projecteur sur la consommation des aliments bio sans ajuster toutes les autres variables ;
- choisi d’enrober les précautions scientifiques dans des raccourcis hâtifs. Le résumé de l’étude dit : « Une fréquence plus élevée de consommation d’aliments bio était associée à un risque réduit de cancer. Bien qu’il faille confirmer ces résultats, la promotion de l’alimentation bio dans la population générale pourrait s’avérer une stratégie de prévention du cancer prometteuse. »
Or l’étude ne prouve en rien que manger davantage bio suffirait à prévenir les deux cancers concernés chez les femmes ménopausées, et a fortiori le cancer en général dans la population dans son ensemble. Elle ne le suggère même pas. Elle ne fait que suggérer qu’être soucieux de son alimentation et de sa santé est probablement une bonne chose pour éviter ces deux cancers quand on est une femme après la ménopause.
Ce que les auteurs de cette étude font bien et que les médias oublient de relayer, c’est que cette étude n’est pas la première sur le sujet. En 2014, une étude britannique portant sur plus de 620 000 femmes ménopausées (la gigantesque cohorte Million Women Study) a également exploré l’impact de la consommation d’aliments bio sur la survenue de cancers, sur une durée de 9,3 années.
Dans cette étude, seule la fréquence de LNH était plus faible chez les femmes ménopausées consommant le plus d’aliments bio (une réduction du risque de 21 %). La fréquence des autres types de cancer, dont le cancer du sein, n’était pas modifiée.
En conclusion, préférer les aliments bio se semble jouer qu’un rôle mineur dans la prévention du cancer, à l’exception des lymphomes non hodgkiniens chez les femmes après la ménopause (environ 1 800 cas par an en France dans cette population).
L’article du JAMA mis en avant par la presse en octobre 2018
L’article sur la Million Women Study en 2014