Depuis un demi-siècle en France, on reconnait progressivement l'égalité des droits entre les femmes et les hommes. Ces acquis sont le fruit de la mobilisation de générations de femmes, dont on célèbre, le 8 mars, le courage et la détermination.
Dans le domaine de la prévention et du soin, les besoins spécifiques des femmes doivent être reconnus afin de garantir le droit à la santé pour toutes. La santé des femmes suppose aussi d'aborder la question des inégalités entre les sexes, dans toute la société. [1]
Quand on aborde les droits des femmes en France, certaines dates viennent immédiatement à l'esprit comme le droit de vote en 1944. En réalité, les trajectoires pour la reconnaissance des droits des femmes remontent à bien plus loin : en 1791, Olympe de Gouges publiait déjà la première Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne !
Il fallut pourtant attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que les droits des femmes en matière de santé commencent à être reconnus, en particulier avec la création du Planning familial en 1956 [2].
2010 : un premier rapport officiel sur la santé des femmes est publié. Il recense des propositions concrètes sur la santé des femmes : pratiques sportives, éducation à la sexualité, santé au travail…
2011 : les instituts de recherche commencent à se mobiliser autour de ce sujet. L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) organisent des premiers colloques sur l’égalité femmes-hommes et la santé ;
2013 : l’Agence Nationale de Santé Publique et la Haute Autorité de Santé s’engagent officiellement à lutter contre les inégalités de sexe ; et le Comité d’éthique de l’INSERM crée un groupe de travail intitulé « genre et recherche en santé »;
2016 : l’Académie française de médecine encourage la communauté scientifique et médicale à pratiquer des soins adaptés à chacun, selon son sexe. Elle estime que les différences biologiques entre hommes et femmes ne sont pas assez prises en compte dans les activités autour du soin, et insiste sur la différence d’approche en France par rapport à d’autres pays ;
2017 : le Haut Conseil à l’Egalité appelle mener des actions concrètes en faveur de la lutte contre les inégalités de santé. Il encourage :
- l’accueil de femmes en situation de précarité,
- la prise en compte des risques et de la pénibilité spécifique des postes de travail occupés par des femmes,
- à la détection de symptômes liés au sexe dans la prise en charge des pathologies.
Dans le monde aussi, les revendications grandissent. En 1977, les Nations Unies officialisent la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars. [3] La santé des femmes s'installe au cœur des objectifs mondiaux, et l'égalité en devient la condition sine qua non.
C'est ainsi qu'en 1990, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) reconnait les violences faites aux femmes comme un enjeu de santé publique. [4] En France, ces violences sont responsables du doublement des dépenses de santé des femmes et d'une perte de leur espérance de vie en bonne santé d'une à quatre années. [5]
De son côté, l’Union Européenne met en place depuis 2001 une législation spécifique imposant la réalisation d’essais cliniques sur les deux sexes dans la recherche médicale et pharmaceutique.
Garantir les droits des femmes, c'est reconnaître qu'elles ont des besoins spécifiques en matière de santé.
Les droits des femmes se déclinent aujourd’hui en matière de santé sexuelle et reproductive [6]. En France, l'accès à la contraception (Loi Neuwirth, 1967) et le droit à l'interruption volontaire de grossesse (Loi Veil, 1975) ont été successivement reconnus.
Les débats législatifs se poursuivent en 2021, autour du droit à la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, déjà adopté dans 11 pays de l'Union européenne.
Il existe des pathologies touchant spécifiquement les femmes, comme le cancer du col de l'utérus. En prévention, la Sécurité sociale française rembourse partiellement le vaccin contre les papillomavirus humain dès l'âge de 11 ans. [7]
D'autres maladies touchent plus largement les femmes que les hommes. C'est le cas de l'anorexie mentale à 90% féminine, de l'ostéoporose ou de la maladie d'Alzheimer.
Garantir la santé des femmes, c'est donc s'intéresser à ces maladies en tenant compte de leur surreprésentation féminine et ce, dès la recherche médicale et l'information sanitaire [8]. La journée du 8 mars a aussi vocation à nous le rappeler, que l’on soit un homme, ou une femme…
Au-delà des question anatomiques et biologiques, le droit à la santé, pour les femmes implique de garantir leur bien-être social, physique et émotionnel, dans un contexte où leur espérance de vie en bonne santé baisse, alors que celle des hommes progresse [9] [10].
Les textes internationaux le reconnaissent depuis la fin des années 1980 : l'égalité entre les sexes est une condition pour la santé des femmes. [11]
Ce constat s'observe dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. Au travail, la pénibilité des emplois majoritairement occupés par les femmes est largement invisible.
Les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à renoncer aux soins en raison d'un manque de temps [12]. Cela peut trouver sa source dans les inégalités entre les hommes et les femmes : répartition inégale du travail domestique [13], 80% de familles monoparentales féminines [14], isolement des femmes de plus de 75 ans [8]…
En matière de précarité, le constat n'est pas différent : en Guyane par exemple, 57,1% des personnes sans emploi sont des femmes (Insee, 2013).
Si les acquis sont réels et doivent être célébrés, les droits des femmes en matière de santé se heurtent encore aux inégalités femmes-hommes et aux stéréotypes de genre. Un défi majoré par la question des intersectionnalités [15] et une actualité marquée par la pandémie de Covid-19, qui alimenteront sans doute les combats des générations à venir.
A lire également sur le sujet :
Santé mentale des femmes et confinement : prendre soin de soi
[1] Organisation mondiale de la Santé (OMS), https://www.who.int/topics/womens_health/fr/
[2] Vie Publique, 2021, https://www.vie-publique.fr/eclairage/19590-chronologie-des-droits-des-femmes
[3] Ministère de l'Education nationale, 2021, https://www.education.gouv.fr/journee-internationale-des-droits-des-femmes-11900
[4] Organisation des Nations Unies, 2020, https://www.un.org/fr/observances/womens-day
[5] Santé Publique France, 2016, mis à jour en 2019, https://www.santepubliquefrance.fr/docs/epidemiologie-des-violences-conjugales-en-france-et-dans-les-pays-occidentaux2
[6] Ministère des Solidarités et de la Santé, 2017, https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/sante-sexuelle-et-reproductive/article/sante-reproductive
[7] Rapport du Ministère Egalité Femme-Homme, Rapport "Vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes", 2020, https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2020/12/Chiffres-cles-EFH_2020.pdf
[8] Rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), 2010, "La Santé des femmes en France", https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000510.pdf
[9] INSEE, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238423?sommaire=4238781
[10] Vie publique, https://www.vie-publique.fr/en-bref/20016-esperance-de-vie-en-bonne-sante-pour-les-femmes-et-les-hommes
[11] Charte d'Ottawa, 1986 ; Organisation mondiale de la Santé (OMS), 2009, https://www.who.int/gender/documents/gender/9789241597708/fr/
[12] Rapport de Santé Publique France, 2017, "La Santé en action", https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/141908/2119721
[13] Ministère des Solidarités et de la Santé, 2018, https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/hommage-a-simone-veil/article/theme-5-affirmer-les-droits-des-femmes-et-renforcer-la-politique-familiale
[14] INSEE, 2016 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2019694
[15] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/gender