86% des Français
ont lu au moins un livre en 2020, soit 6 points de moins par rapport à 2019. [1]
Le mot « bibliothérapie » apparaît pour la première fois dans les années 60. Au sens étymologique du terme, il désigne le soin par le livre.
En 2009, Pierre-André Bonnet, dans sa thèse « La Bibliothérapie en médecine générale », la définit comme « l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie ; et un moyen pour résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée ».[2]
Le mot « bibliothérapie » est un néologisme créé au XXe siècle. Il n’apparaît pas dans le dictionnaire.
L’objectif de la bibliothérapie est de changer la façon de penser de ceux qui souffrent de troubles de santé mentale (dépression, phobie sociale, trouble anxieux généralisé…) et les aider à regarder leurs problèmes sous un nouveau prisme, à décaler leur regard.
Concrètement, le choix des bibliothérapeutes se fait en fonction des besoins de chacun et de ses problématiques du moment. Même s’ils n’ambitionnent pas de remplacer un psychiatre ou un psychologue, les bibliocoachs sont convaincus qu’il est possible d’apaiser l’esprit et le cœur grâce aux livres, à l’écoute et au dialogue.
>>Pour aller plus loin, lisez notre article sur les différents professionnels en santé mentale.
Après la lecture, le lecteur-patient raconte le livre et par la même occasion ses préoccupations. Convaincue de cette thérapie, Nina Sankovitch, autrice américaine de best-sellers, raconte son expérience dans son livre Tolstoy and the Purple Chai. Suite au décès de sa sœur, elle s’est mise à lire 4h par jour et a pris conscience qu’elle n’était pas seule avec sa peine et « qu'il y avait différents moyens de vivre son chagrin. »
Il faut remonter à la Grèce Antique et se rendre à la bibliothèque de Thèbes pour trouver l’origine de la bibliothérapie. Au-dessus de la porte, est écrit « La poitrine médicinale de l’âme ». Au XVe siècle, Christine de Pizan témoigne d’expériences bibliothérapeutiques pour aller mieux moralement et mieux vivre le décès de son mari. Au XIXe siècle, des médecins prescrivent déjà des livres dans leurs plans de traitement. Enfin, au début du XXe, dans son ouvrage « Sur la lecture », Proust évoque la lecture comme soin psychothérapeutique : « La lecture, au rebours de la conversation, consiste, pour chacun de nous à recevoir communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul.»
Mais c’est surtout après la Première Guerre mondiale que s’utilise cette thérapie. Sadie Peterson Delaney, bibliothécaire en chef d’un hôpital d’anciens combattants aux États-Unis, aide les anciens combattants traumatisés grâce à ses ordonnances personnalisées. Ses lectures les accompagnent sur le chemin de la guérison.
Enfin, dans les années 2000, le concept est reconnu et popularisé en Angleterre et au Canada. Par exemple, en 2012, The School of Life de Londres introduit des cours de bibliothérapie.
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur le concept de bibliothérapie. Une étude canadienne, menée par Maja Djikic à Toronto, a prouvé les effets positifs de la littérature sur le cerveau. Les romans permettraient ainsi de développer la réflexion, la créativité et l’empathie du lecteur. Alors que les patients souffrant de dépression peuvent avoir du mal à se mettre à la place de l’autre, à éprouver de la compassion, les livres leur montrent qu’ils ne sont pas les seuls à traverser des épreuves et à se retrouver dans cette situation.
>>Pour en savoir plus et repérer les signaux faibles, parcourez notre article pour reconnaître les symptômes de la dépression.
En Australie, Kevin Ronan, chercheur à l'université du Queensland, a identifié les fonctions claires de la bibliothérapie :
- montrer au lecteur que d'autres ont vécu le même problème et qu'il n'est pas le premier à y faire face ;
- montrer au lecteur de nouvelles solutions ;
- aider le lecteur à comprendre les motivations que les gens ressentent lorsqu'ils sont confrontés à un problème similaire ;
- fournir des faits et encourager une approche réaliste de la résolution du problème.
- En France, la docteure ès Lettres, Karine Brutin, a publié en 2000 « L'Alchimie thérapeutique de la lecture : des larmes au lire ». Elle y partage les résultats de ses expériences en institution médico-pédagogique auprès de jeunes en détresse. Pour elle, la littérature joue un rôle de miroir et permet de réveiller la mémoire, l’histoire, les sensations, les émotions, les souvenirs… du patient.
Karine Brutin : « Le thérapeute magique qui guide cet accès mystérieux à nous-même est l'écrivain.»
Aujourd’hui, la bibliothérapie n’est pas reconnue officiellement en France. Il n’existe pas de titre ou de formation pour devenir bibliocoach, mais depuis 2014, les soignants (psychologues, infirmiers…) peuvent participer à des stages de bibliothérapie créative (lecture à haute voix pendant les séances).
Les livres prescrits doivent faire écho à la situation du lecteur. Un même livre n’aura pas les mêmes effets sur tous les patients. Certains bibliothérapeutes sélectionnent des livres de développement personnel pour aborder la confiance en soi, l’estime de soi, relations aux autres, le bonheur…
D’autres préférèrent conseiller des romans pour que les lecteurs-patients puissent s’identifier aux personnages, trouver des réponses à leurs questionnements existentiels et ressentir à nouveau des émotions. Pour (re)donner le goût de la lecture, en particulier à ceux qui sont traumatisés par la lecture depuis l‘école, il est possible de prescrire des bandes dessinées, des romans graphiques ou même des livres pour enfants.
Vous avez envie d’essayer ? Pour vous guider, Héloïse Goy et Tatiana Lenté ont sélectionné 500 remèdes dans leur ouvrage « Bibliothérapie : 500 livres qui réenchantent la vie ». Ils sont classés en fonction des maux et des humeurs. [3]
[1] Etude Centre National du Livre et Ipsos
[2] P.-A. Bonnet, La bibliothérapie en médecine générale, Montpellier, Sauramps médical, 2013.
[3] Editions Hachette Pratique