L’étude Enabee trouve son origine dans la crise sanitaire de la Covid-19. Ces dernières années, les enfants ont enchaîné des périodes « extraordinaires » : fermeture des écoles, confinement 1, école à la maison, réouverture des écoles, confinement 2, couvre-feu… Un quotidien bousculé et stressant qui a pu mettre à mal leur bien-être et perturbé leur santé mentale. À cette pandémie, se sont ajoutés le dérèglement climatique, la guerre en Ukraine, le risque terroriste…

Dans ce contexte difficile, Santé Publique France a décidé, sous l’impulsion du Président de la République, d’étudier comment les enfants traversaient cette période en mettant en place un suivi épidémiologique de leurs problèmes de santé mentale, de leur prise en charge, de leurs déterminants ainsi qu’une évaluation de leur niveau de bien-être et de qualité de vie.

Avant Enabee, les dernières données épidémiologiques sur la santé mentale des enfants dataient de 2005 et ne couvraient que la région PACA.

L’étude a ciblé les enfants scolarisés de la petite section de maternelle au CM2, dans des écoles publiques ou privées sous contrat avec l’Éducation nationale, en France métropolitaine. Pour obtenir un échantillon de grande taille et le plus représentatif possible, les 706 écoles, puis les classes, puis les 30 000 élèves, ont été tirés au sort.

Au-delà du point de vue des enfants eux-mêmes (du CP au CM2), récolté grâce à un questionnaire sur tablette réalisé en classe, l’étude a également recueilli les réponses des parents et des enseignants. Les enfants de maternelle ont été jugés trop jeunes pour être interrogés.

Les réponses aux questionnaires ont été récoltées entre mai et juillet 2022.

Les troubles probables de santé mentale

Les 3 chiffres-clés à retenir :

• 5,6% des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble émotionnel probable, avec une prévalence chez les filles (6,6% Vs. 4,6%) ;
• 6,6% des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble oppositionnel probable, avec une prévalence chez les garçons ;
• 3,2% des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité́ (TDAH) probable, avec une prévalence chez les garçons (15,3% Vs. 10,6%).

À noter : pour ces types de troubles, la littérature scientifique démontre qu’il vaut mieux se fier aux témoignages des enfants plutôt qu’à ceux des adultes. Ces résultats sont donc ceux qui intègrent les trois points de vue.

Enfin, l’étude n’a pas montré de lien entre les troubles probables de santé mentale et le niveau scolaire des enfants ou encore le secteur de leur école (écoles publiques hors Réseau d’Éducation Prioritaire et privées Vs. écoles publiques REP ou REP+).

>>Pour aller plus loin, découvrez notre article « Santé mentale : les jeunes de plus en plus touchés par les troubles dépressifs ».

Le niveau de bien-être et de qualité de vie

Pour apporter leurs réponses au questionnaire, les enfants du CP au CM2 ont répondu sur une tablette. Une échelle psychométrique adaptée à leur âge y apparaissait pour les aider à évaluer leur niveau de bien-être, de qualité de vie et à faire le lien avec leur santé.

71/100 est le score de niveau de bien-être et qualité́ de vie en lien avec la santé déclaré́ par les enfants de 6 à 11 ans.

Dans le détail, les résultats sont très genrés puisque les filles déclarent un bien-être physique, émotionnel, social et une estime de soi moins élevés que les garçons. Elles semblent cependant ressentir un meilleur bien-être à l’école et en famille. Un constat qui confirme les publications scientifiques existantes.

Autre information : le niveau de bien-être tend à augmenter progressivement avec le niveau scolaire. Les enfants plus grands se sentiraient mieux et auraient moins de difficultés émotionnelles.

Ces premières données apportent une meilleure connaissance de l’état de santé mentale des enfants, devenu aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur. Elles vont constituer une photographie précise et une nouvelle base de référence (indicateurs T0), très utiles pour des comparaisons nationales et internationales.

Elles permettent également de comprendre davantage les ressentis et les besoins des enfants et donc de mieux orienter les prochaines actions de prévention, la prise en charge et l’accompagnement des 3-11 ans, groupe particulièrement vulnérable.

Même si certains chiffres peuvent paraître alarmants, il faut garder en tête que les résultats sont des estimations épidémiologiques et en aucun cas, des diagnostics médicaux. Et qu’ils sont globalement en phase avec la littérature scientifique internationale.

Dernier point : Enabee ne permet pas d’évaluer l’impact de la Covid-19 puisqu’il n’y avait pas de données françaises antérieures.

Les prochains résultats de l’étude devraient être publiés au 2ème semestre 2023 - pour les enfants de maternelle - et complétés et affinés par de nouvelles analyses associant le recours au soin et les facteurs associés au recours au soin, grâce notamment à un croisement avec le Système National des Données de Santé.

Le protocole et les outils de l’étude Enabee doivent aussi être adaptés pour être déployés dans les départements et régions d’outre-mer.

L’étude sera désormais reconduite à intervalles réguliers (indicateurs T1, T2…) et facilitera ainsi l’évaluation de l’impact des potentielles crises à venir (sanitaires, environnementales…).

À suivre…

>>Pour aller plus loin et zoomer sur la santé mentale des adultes, parcourez notre article dédié aux études thématiques en France et dans le monde.