Le meilleur indicateur pour relâcher le confinement s’appelle le taux de reproduction du coronavirus, ou Rt. Pour faire simple, il s’agit du nombre de personnes qui sont infectées par une personne nouvellement contaminée. Si Rt est égal à 1, chaque personne malade contamine une seule personne : l’épidémie est stable. Si Rt est inférieur à 1, l’épidémie régresse. Si Rt est supérieur à 1, l’épidémie s’étend.
Au début de l’épidémie, avant le confinement, ce Rt (on parle de R0 au début de l’épidémie) était estimé entre 2 et 3. Le but du confinement, en réduisant les contacts entre personnes, est de réduire Rt le plus possible, pour le faire passer en dessous de 1 et enclencher le recul de l’épidémie.
Le déconfinement est envisagé lorsque Rt aura atteint une valeur suffisamment basse. Certains parlent de 0,2 (4 nouveaux cas sur 5 n’infectent personne, le 5e cas infecte une seule personne), mais les autorités sanitaires n’ont pas précisé la valeur qu’elles souhaitent obtenir avec le confinement actuel. Une fois le confinement levé, partiellement ou en totalité, les autorités suivront Rt de près. S’il se rapproche dangereusement de 1, elles relanceront le confinement pour ramener Rt plus près de zéro. Un pied sur l’accélérateur, un pied sur le frein.
L’avantage du confinement est de nous protéger. Mais cela nous empêche de développer une immunité contre le coronavirus. Si le confinement est complètement levé d’un coup, le virus va recommencer à circuler, Rt va augmenter brutalement et il faudra réinstaller le confinement total. Il s’agira donc de lever progressivement le confinement, à petits pas, en suivant Rt comme le lait sur le feu pour qu’il reste en dessous de 1 (ou, mieux, de 0,5, voire plus bas). Pour suivre l’effet du déconfinement partiel sans attendre les nouvelles hospitalisations, certains experts recommandent d’utiliser les données de géolocalisation des téléphones portables (qui permettent de comptabiliser les rapprochements physiques entre les personnes équipées de ces appareils).
Parmi les mesures de déconfinement progressif, on peut citer, par exemple :
- la réouverture des établissements d’enseignement évoquée par le Président de la République ;
- la réouverture des petits commerces, puis des magasins de plus grande taille ;
- l’autorisation des déplacements, nationaux puis internationaux ;
- l’autorisation des rassemblements d’abord en plein air (activités sportives) puis en salles, avec de plus en plus de personnes, etc.
Chaque mesure augmente le Rt (elle augmente le nombre de contacts entre les personnes, ce qui augmente le nombre de nouveaux cas), mais elle a aussi un impact positif sur l’économie et sur le bien-être des Français.
Ce sera aux autorités de décider, en fonction de ces impacts, de l’ordre chronologique des mesures de déconfinement et, si nécessaire, de futures mesures de reconfinement si l’épidémie n’est plus efficacement contrôlée.
De plus, les autorités auront à décider si ces mesures progressives s’appliquent à toute la population ou si elles excluent, temporairement, les personnes les plus vulnérables (personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques). Pour l’instant, il semble que les personnes âgées de plus 70 ans et les personnes vulnérables à cause d’une maladie ou un handicap resteront en confinement après le 11 mai.
Oui, en l’absence de vaccin ou de traitement préventif, de nouveaux cas vont continuer à se déclarer pendant et après le déconfinement, mais avec une fréquence compatible avec la capacité des hôpitaux. Il y aura encore des décès, mais à un rythme moindre. Un jour, l’immunité globale de la population française sera suffisante (on parle de 50 à 60 % de la population) pour que le coronavirus ne puisse plus circuler. Néanmoins, il est probable que ce virus reste présent dans notre vie pendant des années, mais avec une intensité supportable, comme la grippe saisonnière.
« Le déconfinement, une équation complexe », Le Monde, 7 avril 2020
« COVID-19 : sortie du confinement », Académie nationale de médecine, 5 avril 2020