Du fait de l’épidémie de COVID-19, nous vivons une situation exceptionnelle et inquiétante. Le nombre de cas augmente, les établissements publics et la plupart des commerces sont fermés, les rues sont désertes, nous sommes confinés chez nous. Cette situation peut engendrer un stress important, en particulier chez certaines personnes plus vulnérables. Quels sont les risques ? Comment pouvons-nous les réduire ? Comment maintenir son bien-être pendant les semaines de distanciation physique imposée ?
Une étude a récemment été publiée par des psychologues chinois sur le niveau d’anxiété pendant l’épidémie de COVID-19. Cette large étude (plus de 52 000 personnes) montre que le niveau d’anxiété a été particulièrement élevé chez les personnes âgées ou médicalement vulnérables (peur de succomber à l’infection), les femmes, les jeunes adultes âgés de 18 à 30 ans (peut-être en lien avec une surexposition aux réseaux sociaux), les personnes les plus éduquées et les travailleurs émigrés (contraints de continuer à prendre les transports en commun et soucieux de leurs revenus). Les moins de 18 ans étaient les moins anxieux, probablement du fait du faible impact de l’épidémie sur leur santé et de leur peu d’exposition à la maladie une fois confinés. De plus, les personnes conscientes de la faible offre médicale dans leur région étaient davantage anxieuses.
Des chercheurs ont récemment publié dans la revue médicale The Lancet une analyse croisée de 24 études portant sur les effets psychiques de la mise en quarantaine lors d’épidémies récentes (SARS, Ebola, grippe H1N1). Cette analyse révèle que les effets négatifs de la quarantaine sur la santé psychique sont plus importants :
- lorsque la quarantaine dure plus de 10 jours ;
- pour les femmes enceintes ou les mères de jeunes enfants ;
- pour les personnes qui présentent des symptômes (quels qu’ils soient) pendant la quarantaine ;
- pour les personnes qui s’ennuient ou celles qui manquent de biens de première nécessité ;
- pour les personnes qui souffrent d’incertitude relative au niveau de risque ou aux conduites à tenir, et qui ressentent que l’information qu’elles reçoivent est discordante ou non transparente ;
- pour les personnes financièrement précaires (l’épidémie ajoute de la précarité à la précarité) ;
- pour les personnes dont le couple connaît des tensions.
Les résultats de cette analyse et les données chinoises permettent d’identifier des conseils à suivre pour vivre au mieux l’épidémie actuelle.
Premier conseil : se souvenir que les mesures d’isolement imposées pour plusieurs semaines sont des mesures d’isolement physique (diminution drastique du nombre de personnes croisées dans la journée). Certes, elles impactent la vie sociale, mais ne doivent pas aboutir à l’isolement social, nocif pour la santé mentale. Le téléphone, les visioconférences avec le reste de la famille, les groupes whatsapp… nous disposons désormais de nombreux moyens de rester en contact avec nos proches isolés tout au long de la journée. Utilisons-les pour ne pas nous sentir seul, pour prendre des nouvelles, pour soutenir les proches les plus vulnérables (médicalement et psychiquement), pour prendre du recul sur la situation, etc.
Les psychologues qui ont travaillé sur la mise en quarantaine insistent sur l’importance de mettre l’altruisme au centre de nos activités sociales pendant la période d’isolement. Plutôt que d’obséder sur les risques et les inconvénients de l’épidémie sur notre vie quotidienne, mieux vaut consacrer activement son énergie et ses échanges à l’amélioration de la situation de ses proches, ou de personnes vulnérables de l’entourage. De nouveau, soutenir, distraire, prendre des nouvelles, s’encourager mutuellement à respecter l’isolement, aider même à distance, etc.
Mais ceci ne doit, bien sûr, pas se faire au détriment de son propre bien-être. Prendre soin de soi, c’est manger équilibré, bien dormir, éviter l’alcool et les drogues, se chouchouter, faire un peu d’exercice (gym, ménage, jeux avec les enfants, jardinage, etc.), suivre une routine rassurante, etc. Si vous télétravaillez, faites des pauses pour bouger, respirer à fond, relativiser, admirer les signes du printemps qui vient, vous faire un thé, etc.
L’analyse publiée dans The Lancet est claire : trop d’information, en particulier discordante, est une source de stress en période d’épidémie. Les chercheurs chinois l’ont également observé chez les 18-30 ans accros aux réseaux sociaux. S’informer est important pour avoir le sentiment de maîtriser la situation, mais multiplier les sources (et ne pas s’assurer qu’elles soient fiables) contribue à aggraver l’anxiété. Le docteur Eli Leibowitz, directeur du programme sur les troubles anxieux à la faculté de médecine de l’université Yale, recommande de ne passer trop de temps devant les écrans, de limiter les sources d’information à quelques sources fiables, et de ne pas écouter en boucle les mêmes informations (et donc d’éviter les chaînes d’information en continu).
L’équipe de Yale met également en garde les personnes qui ont un tempérament anxieux contre l’adoption de mesures de protection supplémentaires, au-delà de celles recommandées par les autorités de santé. En recherchant une sécurité maximale, on risque à la fois de se rendre la vie plus difficile et de s’engouffrer dans un cercle vicieux anxiogène visant à toujours plus de protection (sans jamais y parvenir).
Pour certains d’entre nous, plus fragiles, la situation peut devenir insupportable. Ressasser des émotions négatives contribue à l’aggravation de l’anxiété et peut réactiver des expériences passées désagréables. Les personnes qui souffrent de conduites addictives (tabac, alcool, drogues, jeux et shopping en ligne, pornographie, écrans et réseaux sociaux, par exemple) peuvent voir leurs symptômes s’aggraver.
Dans ce cas, mieux vaut ne pas hésiter à appeler des proches pour en parler, ou une ligne téléphonique de soutien. Les chercheurs chinois insistent sur l’importance, pour les autorités de santé, de proposer des lignes téléphoniques d’information et de soutien pour les personnes angoissées par l’épidémie de COVID-19.
En France, une ligne d’information sur la COVID-19 existe (0800 130 000, 24h/24 et 7j/7), mais le soutien psychologique est plutôt assuré par les lignes de type Croix Rouge Écoute (0800 858 858, 10h à 22h en semaine, 12h à 18h le week-end, 7j/7) ou SOS Amitié (09 72 39 40 50, 24h/24, 7j/7) ou les lignes de soutien aux personnes souffrant d’addiction (Alcool Info Service, Drogue Info Service, etc.).
L’étude chinoise sur le niveau d’anxiété pendant l’épidémie de COVID-19
L’analyse croisée sur les effets de la quarantaine dans les épidémies récentes
Les conseils de la faculté de médecine de l’université Yale
Un article en français sur les articles chinois et américain