Décryptage : l’addiction au smartphone et les risques psychosociaux associés

Décryptage : l’addiction au smartphone et les risques psychosociaux associés

Si le smartphone « connecte » les individus entre eux, il peut également être facteur d’isolement et de souffrance psychologique. Les applications et réseaux sociaux auxquels il donne accès ont tendance à rendre ses utilisateurs accros.

Décryptage : l’addiction au smartphone et les risques psychosociaux associés

Si le smartphone « connecte » les individus entre eux, il peut également être facteur d’isolement et de souffrance psychologique. Les applications et réseaux sociaux auxquels il donne accès ont tendance à rendre ses utilisateurs accros.

Ce contenu est également disponible en podcast : écoutez-le sans risque !

Ecoutez le podcast de Laurent Karila

Retranscription du podcast

L’animateur (Clotilde) :

Bonjour à tous. Aujourd’hui, nous allons parler de l’addiction aux écrans. Et pour cela, nous accueillons Laurent Karila, psychiatre addictologue. Alors, une première question : sommes-nous tous addicts aux smartphones ?
Laurent  :
Avant tout, il faut s’entendre sur la définition de l’addiction. D’une manière générale, elle se  caractérise sur au moins 12 mois par l'impossibilité répétée de contrôler un comportement, une activité compulsive, un craving (une envie irrésistible), une activité continue et des conséquences. Elle engendre de nombreux symptômes : irritabilité, anxiété. Alors, on ne peut pas dire que nous sommes tous addicts au smartphone, heureusement. Mais les chiffres n’en restent pas moins inquiétants.
Clotilde :
Justement, que disent-ils ?
Laurent  :
Eh bien, en 2019, une étude réalisée par AXA Prévention montre qu’un Français sur trois s’estime dépendant des écrans.
Clotilde :
Un sur trois ? Et …c’est beaucoup ?
Laurent  :
Oui, c’est déjà beaucoup ! Cette même étude montre également que près d’un Français sur deux consulte son mobile ou sa tablette toutes les 10 minutes, de peur de rater un message ou une notification. Et pour les 15-17 ans, on en est à 76 %. Il s’agit d’une véritable anxiété de séparation avec son mobile. Le phénomène est en lien avec ce que l’on appelle la nomophobie.
Clotilde :
Mais comment expliquer cette anxiété de séparation en lien avec la nomophobie 
Laurent  :
L'addiction au smartphone est technologique, comportementale, sans drogue. Il s'agit d'un comportement qui se répète, avec une envie irrépressible de consommer du virtuel ou du réel interactionnel. La personne présente des signes de manque quand elle ne peut se connecter. Il existe même un autre phénomène qui s’appelle athazagoraphobie. C’est la quête d’un dialogue permanent, qui ne souffre aucune attente même si on en connait les conséquences négatives.
Clotilde :
Comment expliquer cela ?
Laurent  :
Il faut voir le smartphone comme un cordon ombilical psychosocial. C’est-à-dire une extension de soi, un peu comme un doudou, si vous préférez. Il calme les angoisses. On dort avec, on se réveille avec, et même quand on a des insomnies, notre premier réflexe consiste à allumer notre smartphone.
Clotilde :
J’imagine que de tels comportements ont des effets sur la vie sociale ?
Laurent  :
Et ces effets sont officiellement reconnus ! Il s’agit principalement du phubbing. C’est un terme anglais qui mêle les termes « phone » et « snubbing », à savoir ignorer son prochain. C’est la tendance à considérer que les rapports humains directs sont secondaires comparés au rapport entretenus avec un téléphone. Cela se vérifie notamment à table, quand certains membres de la famille dînent le nez dans leurs écrans, au mépris des autres.
Clotilde :
Et sur la santé, quels sont les effets de cette addiction ?
Laurent  :
D’abord, le smartphone est nocif pour les yeux. Il diffuse de la lumière bleue, qui assèche les yeux et peut même à terme endommager la rétine. Ensuite, les diodes colorées de l’écran altèrent l’architecture du sommeil. Résultat : on a du mal à s’endormir et la qualité du sommeil s’en ressent. Sur le plan cognitif, la pensée zapping peut entrainer des difficultés de concentration. Les capacités d’apprentissage et de mémorisation s’en trouvent altérées. Enfin, il y a aussi les troubles musculo squelettiques.
Clotilde :
Des troubles musculaires et osseux liés à l’usage du portable ? C’est inattendu !
Laurent  :
Et pourtant, c’est bien réel. Quand nous sur-sollicitons le pouce, ou un autre doigt, pour taper un texto, la tension qui se crée à cet endroit remonte le long du poignet et du bras, jusqu’au cou.
Clotilde :
Effectivement, nous n’avons pas vraiment conscience de tous ces risques.  Rassurez-nous, il y a des solutions ?
Laurent  :
C’est la bonne nouvelle : oui ! Il suffit d’adopter quelques réflexes simples pour se désintoxiquer. Par exemple, ne pas répondre systématiquement quand le téléphone sonne,  voire même supprimer les notifications. On peut aussi inverser les couleurs de son écran pour aller vers des tonalités foncées, moins agressives pour les yeux. Et surtout, il faut garder du temps pour soi. Quand on est en famille, entre amis, au cinéma, au volant… Eh bien on n’utilise pas son smartphone. On le laisse tout simplement de côté. On l’oublie ! Pareil le soir au moment de se coucher. Ensuite, on peut même faire des breaks plus longs, par exemple le temps d’un week-end. Bref, il est capital de couper avec son téléphone, si je puis dire, quitte à partir en vacances dans un lieu où on ne capte pas ! Pour se désintoxiquer, il n’y a pas mieux.
Clotilde :
Merci Laurent.
En conclusion, on ne le répétera jamais assez : ne laissons pas les smartphones diriger nos vies. Apprenons à couper le lien et à se réserver des moments sans écrans. C’est la meilleure façon de se retrouver, soi-même comme en famille ou entre amis.