Peur du déclassement : quelles réalités aujourd’hui et quel impact sur la santé mentale ?

La crise des gilets jaunes, la crise sanitaire de 2020 et enfin l’inflation ont placé sous les projecteurs un malaise social grandissant. Le déclassement social, une peur exacerbée en temps de crise, est devenu une préoccupation majeure des Français. Quelles réalités dans la société sur ces questions ? Et quels impacts cela peut-il avoir sur la santé mentale ?

Peur du déclassement : quelles réalités aujourd’hui et quel impact sur la santé mentale ?

La crise des gilets jaunes, la crise sanitaire de 2020 et enfin l’inflation ont placé sous les projecteurs un malaise social grandissant. Le déclassement social, une peur exacerbée en temps de crise, est devenu une préoccupation majeure des Français. Quelles réalités dans la société sur ces questions ? Et quels impacts cela peut-il avoir sur la santé mentale ?

La peur du déclassement, « cette angoisse sourde, [...] repose sur la conviction que personne n’est à l’abri, que tout un chacun risque à tout moment de perdre son emploi, son salaire, ses prérogatives, en un mot son statut. » [1]

À la clé, les personnes concernées peuvent ressentir une grande frustration, un sentiment d’être en concurrence et des souffrances psychiques réelles, avec des conséquences plus ou moins lourdes sur leur moral au quotidien.

Selon notre étude exclusive AXA Prévention, menée en partenariat avec l’institut IPSOS sur la santé mentale des Français, la peur du déclassement social et l’inquiétude financière touchent 39 % des Français, en 2024.

>> Pour en savoir plus sur les résultats de l’étude et les craintes des Français aujourd’hui ; être sensibilisé aux souffrances psychologiques qui peuvent en découler et comment les prévenir ; consultez ici le communiqué de presse et notre article Santé mentale des Français : les résultats de l’étude exclusive d’AXA Prévention

Peur du déclassement, de quoi parle-t-on ?

De plus en plus de Français sont confrontés à une situation paradoxale : malgré des années de travail acharné, ils ont le sentiment que leur qualité de vie se dégrade. Le déclassement social est un concept sociologique qui désigne le fait de descendre l’échelle sociale, c'est-à-dire de dériver vers un rang social inférieur au milieu dont on est issu, ou également une perte de statut par rapport à une position précédemment atteinte.

Il peut se manifester par une mobilité sociale descendante, comme un enfant de cadre devenu employé, ou par une dégradation des conditions de vie, tel un retraité privé de vacances pour raisons financières.

Ce phénomène collectif et générationnel touche principalement les classes moyennes et les personnes aux faibles revenus : il est éprouvé particulièrement par les jeunes adultes qui éprouvent des problèmes à s’insérer sur le marché professionnel (emploi en inadéquation avec le niveau de formation, emplois précaires, multiplication des contrats à courte durée, d’intérim, etc., chômage subi faute de trouver un emploi qui corresponde à ses qualifications…).

Ce mal-être se définit également par la peur d’un déclassement pour soi, et pour les nouvelles générations avec le sentiment que “l’on vit moins bien que nos parents”. Il touche ainsi son propre développement financier et humain : sa capacité à emprunter, à épargner, à partir en vacances, à “se faire plaisir”. Cela concerne aussi le constat d’un renoncement à certains achats ou même à se soigner ... [2], sa capacité à élever ses enfants demain, et à préparer sa retraite après-demain.

Au cours des cinq dernières années, 29% des Français ont le sentiment que les revenus de leur foyer ont augmenté, 33% qu’ils sont restés stables et 38% qu’ils ont diminué. [5]

Crises économique, sanitaire et sociétale et peur du déclassement

Ce phénomène s'explique principalement par [3] :

  • l'augmentation des inégalités de revenus et de la pauvreté mondiale depuis la crise financière des subprimes de 2008 ;
  • le ralentissement de la croissance économique tant au niveau national qu'européen ;
  • la mondialisation du marché du travail, qui renforce la sélectivité et la hiérarchisation, compliquant l'insertion professionnelle des personnes dont le profil ne correspond pas aux attentes des entreprises ;
  • le décrochage scolaire, qui contribue directement au déclassement des jeunes adultes.

D’autres situations pourraient également être évoquées comme l’inflation à son plus haut niveau depuis plus de 25 ans [4] et les tensions géopolitiques à l’échelle mondiale lesquelles provoquent une incertitude économico-politique en France…

Peur du déclassement : le baromètre du ressenti des Français

Le déclassement social, et la peur qui y est associée, est une notion qui peut-être objective et quantifiable avec la mesure concrète de ses conséquences.

Ainsi, le positionnement des individus par rapport à leur classe sociale ressentie est en constante dégradation depuis 2010, selon une étude IFOP datant de 2023.[5]

En 2023, seuls 20% des Français se considèrent comme faisant partie de la "classe moyenne véritable" alors qu'ils étaient 28% 10 ans plus tôt.

Enfin, les personnes défavorisées, modestes et de la classe moyenne inférieure ressentent majoritairement un déclassement par rapport à leurs parents.

Elles pensent aussi que leurs enfants connaîtront également une dégradation de leur situation sociale.

>> Pour aller plus loin, consultez notre article sur la santé mentale des enfants

Cette peur du déclassement, qu’elle soit réelle ou perçue, entraîne chez les français des comportements d’adaptation comme par exemple : réaliser ses achats chez des discounters, consommer moins de viande et de poisson ou encore « renoncer » à plusieurs types d'achats, avec un recentrage sur les « dépenses essentielles ».

Ainsi, plus de 30% des Français renoncent ou diffèrent des soins médicaux généraux en raison de trop faibles revenus : un niveau en croissance de +7 points sur 10 ans. Ce chiffre passe à 38% lorsqu’il concerne les soins dentaires, en hausse de +4 points.[5]

Les pistes futures pour moins d’inégalités sociales

Dans son rapport L'ascenseur social en panne ? l'étude économique de l'OCDE sur la France [6] formule plusieurs recommandations pour favoriser une croissance plus inclusive.

Parmi celles-ci, on retrouve :

  • réduire les écarts scolaires entre enfants issus de milieux socio-économiques différents,
  • accompagner les chômeurs de longue durée et les jeunes actifs,
  • atténuer les inégalités territoriales,
  • renforcer les liens entre le monde professionnel et le monde éducatif pour mieux valoriser les compétences académiques dans le milieu professionnel.

Un vrai défi politique pour plus de cohésion sociale future… et potentiellement une réduction de la peur du déclassement, pour plus de confiance en l’avenir.

Sources

[1] Maurin Eric, La Peur du déclassement : une sociologie des récessions, Editions du Seuil (2009)

[2] https://www.vie-publique.fr/eclairage/272088-crainte-du-declassement-la-fin-de-lascenseur-social

[3] Etude IFOP 2023 pour Bona Fidé et la Fondation JeanJaurès “2010-2023 : Comment ont évolué les classes moyennes ?” https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/11/119953-Rapport.pdf

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4268033

[5] Etude IFOP 2023 "Classe moyenne en tension : entre vie au rabais et aides sociales insuffisantes"

https://www.ifop.com/publication/classes-moyennes-en-tension-entre-vie-au-rabais-et-aides-publiques-insuffisantes/

[6] https://www.oecd.org/fr/themes/etudes-economiques.html