Santé des femmes : quels constats en milieu professionnel ?

La santé des femmes au travail : un sujet trop peu considéré

En 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat a travaillé pendant plus de six mois sur la santé des femmes dans le milieu professionnel, santé physique et mentale. Pour faire émerger des maux trop souvent invisibilisés, elle a publié un rapport de 23 recommandations. AXA Prévention fait le tour de cette question encore trop souvent tabou.

La santé des femmes au travail : un sujet trop peu considéré

En 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat a travaillé pendant plus de six mois sur la santé des femmes dans le milieu professionnel, santé physique et mentale. Pour faire émerger des maux trop souvent invisibilisés, elle a publié un rapport de 23 recommandations. AXA Prévention fait le tour de cette question encore trop souvent tabou.

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Le saviez-vous ?

Au travail, on observe 3 fois plus de signalements de souffrance physique chez les femmes. [1] Et la souffrance psychique en lien avec le travail était 2 fois plus importante en 2019 qu’en 2007, quel que soit le sexe. [2]

Santé des femmes : panorama des risques professionnels

On répertorie des répercussions physiques, peu prises en compte par les pouvoirs publics comme par les employeurs : usure, cancers, TMS… Pour rappel, un TMS est « un ensemble d’affections péri-articulaires qui peuvent affecter diverses structures des membres supérieurs, inférieurs et du dos : tendons, muscles, articulations, nerfs et système vasculaire ». Ils sont la principale cause d’invalidité au travail et gâchent la vie quotidienne.

60% des personnes atteintes de Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) sont des femmes. [1] 

Les travailleuses qui ont des horaires atypiques (weekend, soir, nuit, 3x8) exposent également davantage leur santé. Par exemple, quand elles travaillent la nuit, le risque de développer un cancer du sein est augmenté de 26%. [1]

>>Pour en savoir plus, découvrez notre article sur le travail le week-end, ses risques, sa réglementation et les mesures de prévention associées.

Focus sur la santé mentale des femmes

En 2019, la santé psychique de 5,9% des femmes était fragilisée en raison de leur travail (vs 2,4% en 2007). [2]

Dès 2010, l’OMS présentait les problèmes de santé mentale comme l’une des principales causes d’absentéisme au travail et de retraite anticipée. Les troubles les plus couramment repérés par les médecins du travail sont les troubles anxieux et dépressifs mixtes (symptômes dépressifs et maniaques), suivis des symptômes dépressifs. Ils toucheraient davantage les CSP les plus élevées et les femmes de plus de 35 ans. [2]

Pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en termes de santé au travail, les chercheurs proposent de [2] :

  • s’attaquer en priorité aux domaines les plus à risques ;
  • créer des environnements de travail égalitaires ;
  • équilibrer l’exposition professionnelle entre les hommes et les femmes ;
  • intégrer les SPLT (Souffrances Psychiques en Lien avec le Travail) dans le tableau des maladies professionnelles des régimes de la sécurité sociale pour les définir, les caractériser et les faire reconnaître comme maladie professionnelle ;
  • renforcer la formation des médecins du travail (et des médecins généralistes) pour identifier les signes précurseurs d’épuisement professionnel (« sub burn out ») et prévenir le déclenchement de troubles plus sévères à moyen ou long terme.
Focus sur la santé sexuelle et reproductive des femmes

20% des femmes ont subi au moins un acte de violence (agression, harcèlement, VSS…) au travail depuis l’année dernière. [1]

D’autres difficultés liées aux violences sexuelles et sexistes (VSS), à la santé sexuelle et reproductive (règles menstruelles invalidantes, grossesse, infertilité, ménopause) sont aussi trop souvent ignorées.

Inspirés par le modèle espagnol, japonais ou encore sud-coréen, les députés écologistes ont déposé en avril 2023 à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à créer un « Congé menstruel ». Il permettrait aux femmes souffrant de règles douloureuses et des symptômes associés (fatigue, troubles digestifs, migraines…) de poser un arrêt de travail de 13 jours par an. Il a été écarté par le Sénat fin 2023.

De leur côté, les entreprises et les collectivités avancent et tentent d’agir concrètement. Le fabricant de mobilier Louis Design a déjà instauré un tel dispositif, alors que la municipalité de Saint-Ouen a été la première en France à mettre en place un congé menstruel pour ses agentes. Une mesure qui devrait s’étendre à tout le Département de la Seine-Saint-Denis qui souhaiterait proposer un "aménagement d’activité d’une durée d’un à deux jours pendant la période menstruelle" et la possibilité de faire davantage de télétravail.

En avril 2023, Carrefour, premier employeur privé français, a annoncé prendre en charge 12 jours de congés supplémentaires pour les femmes atteintes d’endométriose, maladie qui touche une femme sur 10. 3 jours sont aussi proposés en cas de fausse-couche.

Santé des femmes : ce qu’il faut retenir du rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat

Dans leur rapport, les quatre rapporteures Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, se sont intéressées à 4 secteurs professionnels particulièrement « féminins » : les métiers du care (soin), du nettoyage, de la grande distribution et de représentation (mannequins, hôtesses d’accueil…). Elles interrogent aussi le rôle donné aux femmes dans le monde du travail et les conséquences de leurs conditions de travail sur leur santé.

Secteur du nettoyage : 7 agents cancérogènes sont présents dans des produits d’entretien couramment utilisés. [1]

Alors que la médecine du travail et l’inspection du travail manquent de moyens, le rapport constate :

  • une différence de prévention entre les hommes et les femmes ;
  • un manque de reconnaissance de la charge physique et mentale des femmes, non pris en compte dans la conception et la mise en place des politiques de santé au travail.

La délégation aux droits des femmes prône donc une différenciation genrée et rappelle que la santé des femmes permet d’œuvrer en faveur de l’égalité professionnelle et d’améliorer la situation de tous.

Les rapporteures ont articulé leurs 23 recommandations « PENSER LA SANTE AU TRAVAIL AU FÉMININ » autour de 3 grands axes :

  • « chausser systématiquement les lunettes du genre : différencier n’est pas discriminer » ;
  • « développer et adapter la prévention à destination des femmes » ;
  • « mieux prendre en compte la santé sexuelle et reproductive au travail, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes ménopausiques. »

Plus concrètement, les 23 mesures proposent notamment :

  • d’ajouter l’endométriose à la liste des affections de longue durée ;
  • d’inciter les branches à négocier des mesures d’aménagement des conditions de travail des femmes atteintes de pathologies menstruelles incapacitantes ;
  • de faciliter la reconnaissance en maladie professionnelle, d’une part, du cancer du sein en lien avec le travail de nuit, d’autre part, du cancer des ovaires en lien avec une exposition à l’amiante.
Santé des femmes : la grossesse, un état de santé encore stigmatisé

Alors que la recommandation N°18 du rapport propose d’« assurer une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes sur l’ensemble de leurs droits pendant la grossesse », un autre sujet, non évoqué, est pourtant tout aussi tabou : la condition des femmes après leur congé maternité.

L’auteure Thi Nhu An Pham a puisé dans son expérience personnelle - un licenciement économique pendant son 2e congé maternité - pour créer son podcast et son livre, « La reprise : un impensé social devenu le creuset des inégalités faites aux femmes ». Son objectif : mettre en lumière et apporter un regard féministe sur cette étape difficile de la vie professionnelle des femmes souvent vécue de manière isolée.

Face aux problèmes de garde, à un monde professionnel parfois hostile voire discriminant, à des disputes au sein du couple, à une forte pression, à une fatigue extrême..., ce sont les femmes qui s’adaptent puisque près de 40 % d’entre elles, sont amenées à modifier leur activité (et souvent à voir leurs salaires diminuer drastiquement) [3]. L’auteure invite donc à analyser les causes systémiques de ce phénomène et à corriger les injustices.

72% des tâches domestiques et familiales sont assurées par les femmes après un congé maternité. [3]

Pour conclure, le lien entre travail et santé est complexe. La collaboration entre la recherche, l’Assurance Maladie et le gouvernement, notamment via le 4e Plan santé au travail 2021-2025, est essentielle pour réduire les inégalités hommes-femmes et prévenir les troubles.

>>Pour aller plus loin, parcourez notre grande enquête AXA Prévention sur la santé des femmes.

Sources

[1] https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/28-06-2023/sante-des-femmes-au-travail-des-maux-invisibles.html

[2] Santé Publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 mars 2024

[3] https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-reprise-9782228933322